Bonsoir Caroline,
Je voudrai aussi t’encourager à voir plus loin. Subir de La colère, de la violence verbale, la dépression réactionnelle, sont des sentiments inévitables avec une pathologie aussi lourde, permanente et invisible. Le même problème existe avec les douleurs, pas de thermomètre pour les mesurer et dur de se faire comprendre d’un médecin ou de sa propre famille.
J’ai aussi connu des moments aigus il y a longtemps. Un travail en réanimation à Paris difficile avec ma pathologie auditive cachée, puis un logement provisoire en foyer de jeunes travailleurs. ça fonctionnait jusqu’au jour où des marteaux piqueurs ont commencé dans l’immeuble pour des travaux. Je dormais très mal avec les acs et le matin,je récupérais du travail de garde en réanimation; puis avec les travaux, plus de récupération possible.J’ai tenu quelques jours et un samedi après-midi, j’ai eu des envies irrépressibles de projection dehors, du 13e étage, de ma petite chambre.J’ai senti que ce n’était pas normal du tout et après m’être calmé doucement, je suis allé à pied aux urgences psy d’un chu tout proche. Je suis rentré en HL pour épuisement nerveux et physique. Il m’a fallu au moins 6 mois pour m’en remettre.
J’évite donc maintenant toutes les situations qui peuvent me mettre en danger.
Déjà je me protège dehors dans toutes les situations de rues bruyantes ou de transport (tgv, métro, tram), les supermarchés avec un bouchon ear ou ceux moulés faits chez un audiopro. Pour l’autre côté avec l’implant cochléaire, je bascule sur la position qui coupe les microphones.
L’hyperacousie me fait alors moins souffrir et les acs sont moins élevés le soir.
Le plus dur est de ne pas s’enfermer dans le silence, car sans les afférences des voix d’enfants dehors ou des conversations, du vent ou des bruits de la vie, on finit par déprimer.
Il existe des petits simulateurs de bruits de la nature, de l’océan etc. que l’on peut mettre à très faible volume pour couvrir en son d’ambiance ou des cd rom de nature à effet calmant. Les couleurs d’une chambre doivent être aussi douces, la lumière tamisée et la pièce très calme pour récupérer dans le calme, au chaud avec une bonne humidification de la pièce. Pas de vitamine C le soir, ni de caféine ou de choses qui énervent.
La ronronthérapie d’un chat peut aussi calmer et rassurer, encore faut-il en avoir un pas loin.
Dans les moments difficiles, revenir au plus basique. Boire de l’eau, manger des choses qu’on aime et essayer de faire de bonnes nuits de récupération. Un bain ou une douche peuvent aider à se détendre avant d’aller dormir. Essayer de ne pas ressasser le passé et essayer de se fixer des petits objectifs réalistes pour les jours suivants. S’occuper de soi.
Se dire qu’il fera jour demain et que le soleil va briller à nouveau et nous réchauffer bientôt.
Après mon implantation l’été dernier, la paralysie faciale apparue 10 jours plus tard n’était pas prévue et fut très lourde. Après la ré-hospitalisation et les perfusions, j’ai récupéré en 1 mois 1/2 à peu près mon visage. Une fois tiré d’affaire, j’ai écrit un email résumant tout le vécu à mon frère avec qui j’avais des contacts assez réguliers. Pas de réponse, ni d’accusé de réception. Quand j’ai proposé plus tard de venir le voir à Paris quand j’y allais pour régler l’implant comme je le faisais avant ; j’ai alors reçu un sms non signé me disant: “ton frère ne souhaite pas te revoir”. Cette courte phrase m’a fait beaucoup de mal. De la méchanceté gratuite. Depuis, plus aucune nouvelle. Ma sœur, on a arrêté de s’appeler quelques mois avant, car ma pathologie qui durait depuis trop longtemps la fatiguait, même si je n’en parlais jamais. Et puis dans les médias, on dit que c’est un petit truc et qu’on peut vivre normalement avec. Et puis dans son entourage, elle connait toujours quelqu’un qui a ses pathologies, et qui conduit et qui travaille normalement. Il n’y a plus de discussion possible avec les gens sans empathie ou compassion, qui ne connaissent pas ou n’ont pas encore connu un moment aigu de leur vie.
J’ai appris il y a quelques temps que les survivants des camps en 1945 ne pouvaient pas parler de leur vécu aigu, car personne n’avait envie d’entendre cela. Les gens vivaient une vie normale, faite de joies, de travail, de danse, de cinéma etc. et ne voulaient pas entendre les histoires horribles que racontaient ces gens. Ils ont fini par se taire et ne témoigner que 30 à 40 années plus tard, ou dans un tribunal ou dans un livre.
Si tu peux lire plus tard, des livres de poche de Boris Cyrulnik sur les résilience etc. peuvent t’aider un peu. Ceux de Patrick Pelloux, l’urgentiste parisien sont assez forts et peuvent aider aussi. Pour l’instant, une simple, BD etc. Des chansons qui font du bien.
Courage Caroline et désolé d’avoir été long. Gaetan.