Acouphène et stress

Le stress est fréquemment cité, y compris par des ORL et autres médecins ou thérapeutes, comme étant une des causes des acouphènes, voire même comme étant LA cause des bourdonnements d’oreille.

Mais quel est lien de causalité éventuel entre stress et acouphène ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une simple corrélation ? Le stress peut-il à lui seul déclencher des acouphènes ? Essayons d’y voir un peu plus clair.

La réalité est la cause principale du stress – pour ceux qui la vivent.

Jane Wagner, dramaturge, scénariste, productrice et réalisatrice américaine

Stress : définition

définition du stress

En premier lieu, il nous faut définir le stress : qu’est-ce que le stress ?

Stress, adaptation, habituation

Par définition, pour faire court, le stress est une difficulté temporaire d’adaptation.

La notion de “stress” recouvre donc les réponses d’un organisme à un changement, une contrainte, une pression exercé par un environnement sur un individu. Autrement dit, le stress est une réaction physiologique à un traumatisme, naturel ou opératoire.

C’est d’ailleurs ainsi que l’a défini l’endocrinologue Hans Selye dans son livre The stress of life (Le Stress de la vie), publié en 1956. Il y a qualifié le stress de “syndrome d’adaptation”.

Notons par ailleurs que, dans le langage de tous les jours, on parle parfois de “bon stress” et de “mauvais stress” :

  • Le premier, un “stress positif”, permet à l’organisme de se mettre en mouvement. Le sujet est plus alerte, au meilleur de sa forme.
  • Le second, un “stress négatif”, peut être, tout au contraire, un élément qui va ralentir l’individu, voire le paralyser, l’empêcher d’agir, de réfléchir.

Par extension, le stress pourrait être qualifié de “trouble de l’habituation” : en l’absence d’un retour à la situation initiale, le sujet qui souffre de stress est incapable de s’habituer à la source de stress. L’habituation est impossible : un stress chronique s’installe.

Notons que l’emploi du bruit blanc contre les acouphènes peut être une piste intéressante à explorer.

Les espèces qui survivront ne sont ni les plus fortes ni les plus intelligentes, mais celles qui auront su s’adapter à leur environnement.

Charles Darwin, naturaliste et paléontologue anglais

Stress, anxiété, angoisse

Contrairement à une idée reçue, le stress est différent de l’anxiété :

  • L’anxiété est une émotion
  • Le stress est un mécanisme de réponse, qui peut conduire à diverses émotions (anxiété ou autre)

Le stress peut donc être cause d’anxiété, mais l’anxiété n’est pas cause de stress.

Quelle différence entre angoisse et anxiété ?

  • L’anxiété est plus ou moins chronique, avec des effets physiques souvent nombreux : tensions musculaires, sources de douleurs parfois intenses, ( respiration rapide, haute et superficielle (hyperventilation)… La personne anxieuse n’a pas toujours conscience de l’être, même en cas de Trouble Anxieux Généralisé (TAG).
  • L’angoisse est plus intense, et se manifeste souvent sous forme de crise d’angoisse, qui empêche toute activité

Acouphène, stress, fatigue…

Quid du lien entre acouphène et stress ? Il est évident que le stress ne peut qu’aggraver les acouphènes.

En effet, tout événement stressant entraîne une cascade de réactions chimiques, qui commence dans le cerveau et se termine au niveau des glandes surrénales, avec la production de cortisol.

Dans un deuxième temps, le cortisol active en retour deux zones du cerveau :

  • Le cortex cérébral se met en branle afin que le sujet produise une réaction. Grosso modo, il s’agit d’une réponse combat-fuite (fight or flight response en anglais), soit le premier stade du syndrome général d’adaptation qui régule les réponses au stress parmi les vertébrés et autres organismes.
  • L’hippocampe, à l’inverse, intervient pour calmer, modérer la réaction.

Seul problème : dans le cas où le stress se révèle trop fort et/ou qu’il perdure, l’hippocampe se retrouve saturé de cortisol et n’est alors plus en mesure s’assurer son rôle. S’ensuit alors souvent une dépression, le cerveau étant saturé de cortisol.

Dans le cas des acouphènes, l’individu ne peut apporter une réponse “classique” à la source de stress. En effet, celle-ci est interne : un bruit anormal, dans la tête et/ou dans les oreilles. Il est donc impossible de fuir. En outre, l’acouphène est augmenté en cas de réaction inverse (le combat). Rapidement, si la cause originelle de l’acouphène ne disparaît pas, le sujet se retrouve ainsi coincé dans une boucle de rétroaction, un cercle vicieux au sein duquel acouphène et stress s’alimentent l’un l’autre.

C’est encore pire si une hyperacousie est présente : une fois le silence disparu, soumis à un bruit intérieur permanent, agressé par le bruit extérieur, aucun répit n’est alors possible. La dépression est pratiquement assurée.

Effet du stress : douleur, fatigue, acouphène…

Les effets du stress sur le corps humain et sur le cerveau peuvent être nombreux (liste non exhaustive) :

  • Rythme cardiaque accéléré
  • Respiration courte et rapide
  • Sensation de “boule au ventre”
  • Sudation excessive, moiteur des mains

Au final, le cerveau limbique, lieu d’origine du stress, reçoit en retour des signaux qui lui indique une situation anormale. “La nature est bien faite”, dit-on ? Pas si simple…

Aux moments de grand stress, il est particulièrement nécessaire d’obtenir une libération complète des muscles.

Constantin Stanislavski, comédien, metteur en scène et professeur d’art dramatique russe

L’effet du stress sur les acouphènes est dû au fait que le stress agit sur le système nerveux sympathique, le système cardio-vasculaire et le cortex auditif. La production de magnésium et de vitamine B6 peut également s’en trouver affectée.

Plus spécifiquement , un stress important peut, par exemple, aboutir à du bruxisme : le sujet contracte les mâchoires, serre les dents, sans en avoir conscience, y compris durant son sommeil. Ce qui peut, là encore, augmenter les acouphènes.

Acouphène, stress, angoisse

L’hyperacousie est parfois confondue, à tort, avec une phonophobie, littéralement une peur du bruit, des sons… Si les acouphènes peuvent s’accompagner d’une phobie du bruit, l’individu développant une peur irraisonnée de voir son acouphène augmenter en cas d’un traumatisme sonore, ou même d’une simple fatigue auditive.

L’angoisse consécutive à l’apparition des acouphènes vient du fait que l’absence de silence est littéralement “anormale”.

En effet, en l’absence de bruit extérieur, et ce depuis la naissance, le sujet est habitué au silence. Il n’entend qu’en d’extrêmes rares occasions son “bruit intérieur”. Or, soudain, il entend en permanence un bruit qui, bien loin de le connecter au monde extérieur, le ramène, voire l’ “emprisonne”, dans son être. Il le vit alors bien souvent comme une agression, une intrusion, ce qui entraîne une réaction de rejet.

Le stress peut ainsi causer l’angoisse qui peut à son tour causer l’acouphène, lui-même étant source de stress. La boucle est bouclée.

Acouphène et stress : trouble anxieux, trouble de stress post-traumatique (TSPT / PTSD) ou trouble de l’adaptation ?

Au final, si des acouphènes d’intensité modérée à élevée apparaissent soudainement, il est parfaitement normal qu’ils soient source de stress. C’est lorsque ce stress dure dans le temps que l’habituation aux acouphènes devient compliquée, voire impossible, en l’absence d’un traitement, d’une aide extérieure.

La personne qui a déjà eu les oreilles qui sifflent suite à une soirée en discothèque ou à un concert ne peut ainsi comprendre la souffrance causée par des acouphènes chroniques, puisqu’elle n’a attaché aucune émotion à ses bourdonnements d’oreille et que ceux-ci auront disparu avant q’une inquiétude puisse se faire jour.


Acouphène pulsatile et stress

Dans la grande majorité des cas, si le stress augmente effectivement les acouphènes, il n’en est pas à l’origine.

Un peu comme un amplificateur peut vous faire percevoir de manière plus prononcé un dommage présent sur un disque vinyle, le stress augmente la perception des éléments négatifs.

En fait, si aucun remède n’existait pour de nombreuses maladies, les médecins renverraient de la même façon leurs patients à la maison après leur avoir prescrit une cure de gestion du stress.

Seul l’acouphène pulsatile, ce bruit rythmé qui bat au fond de l’oreille, peut être réellement causé par le stress. En effet, la majorité des acouphènes pulsatiles est due à un trouble vasculaire. Autrement dit, des problèmes de circulation sanguine au niveau de l’appareil auditif sont le plus souvent à l’origine de ces acouphènes.

Pour les autres acouphènes, si le stress est indéniablement un facteur aggravant, il n’est pas cause du phénomène.


Acouphène dû au stress : disparu ?

Existe-t-il un traitement de l’acouphène dû au stress ?

Si le stress a été identifié comme étant la cause réelle de l’acouphène, il s’agira donc de traiter le stress pour traiter les acouphènes. Si vous souffrez d’un acouphène pulsatile, il y a ainsi de fortes chances qu’un acouphène disparu se trouve au bout du chemin.

En revanche, si le stress n’est pas cause d’origine mais simple facteur aggravant, comme c’est le cas pour la grande majorité des acouphènes, il ne faut pas attendre d’un traitement du stress une disparition de l’acouphène, en tout cas pas une disparation totale.

Ceci dit, l’optimisme doit reste de mise : si l’acouphène dû au stress diminue suffisamment pour qu’il devienne très faible, le cerveau pourra alors mettre en place le processus d’habituation qui n’avait pu alors se produire.


En somme, même si le stress est “responsable mais pas coupable, ” pour reprendre les mots de Georgina Dufoix lors de l’affaire du sang contaminé, tout traitement de type “gestion du stress” est bon à prendre. Après avoir établi un diagnostic des causes de l’acouphène et ainsi mis en place un traitement des acouphènes qui s’attaque en premier lieu à son origine réelle, bien entendu !