

Acouphène : témoignage
Témoignage d’acouphène disparu, de guérison, témoignage positif ou moins positif… Partageons nos... View more
De l’espoir
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De l’espoir
Salutations à toutes et à tous.
Je suis un Québécois âgé de 52 ans. Je suis prof de philo, mais pendant quelques années j’ai mis mon métier entre parenthèses pour réaliser un vieux rêve: conduire des véhicules lourds. Ma santé est boiteuse, car j’ai été obèse pendant quelques années. Je suis diabétique et je fais de l’arthrose. Je pratique à présent le vélo et la natation, et j’ai perdu beaucoup de poids. Je suis musicien et plus jeune, j’ai été exposé à de la musique très, très forte. J’ai des acouphènes depuis 5 ans maintenant. Je désire prendre la peine de vous partager mon expérience, parce que c’est une histoire qui se termine bien. Aujourd’hui, je profite de chaque instant de bonheur. Je n’invite toutefois personne à m’imiter, et certaines choses que j’ai faites sont dangereuses, voire carrément nuisibles. Je ne garantis absolument pas les résultats non plus, mais je pense que si ça peut faire une différence pour quelqu’un, ça aura valu la peine que j’écrive ceci. Je ne vais pas tout raconter, mais je tâcherai d’être le plus utile possible.
Mes acouphènes (j’en ai plusieurs) sont accompagnés d’hyperacousie. J’en ai souffert au point de paniquer à la seule idée que je puisse vivre avec ces cris durant 20, ou pire, 30 ans. L’acouphène invivable est un bruit blanc très, très aigu, entre 8000 et 11000 Hz, et son volume, dans le pire des cas, est comparable au sifflement d’un avion de chasse me faisant face, moteurs plein pot. J’ai imposé à ma famille des périodes sombres, des moments d’impatience et de colère, et des envies de me cogner la tête sur les murs.
J’ai cherché des solutions, de plus en plus compulsivement à mesure que le temps passait. J’ai vu trois ORL qui m’ont tous laissé à moi-même. J’en suis venu à accepter de vivre une semaine à la fois, pas plus. Ma vie tenait à ce contrat hebdomadaire. La mort faisait partie des alternatives qui se présentaient à moi. Si j’avais eu de la douleur cinq fois moins intense que les acouphènes qui m’affligeaient, j’aurais bénéficié en quelques minutes d’un lit d’hôpital et des doux effets d’une solide dose de morphine. On ne sait pas, en médecine, que souffrance n’est pas toujours synonyme de douleur.
Dans l’espoir de me sortir de ce cauchemar, j’ai noté dans un journal, pendant un an, tout ce que j’ai fait, ou les médicaments que j’ai absorbé en relation avec les acouphènes (je ne conseille pas la tenue d’un journal si ce n’est pas nécessaire). C’est ainsi que j’ai noté que la consommation modérée d’alcool, l’activité sportive et les mauvaises nuits de sommeil provoquent une aggravation de mon état.
Mon médecin de famille, ma pharmacienne habituelle et éventuellement une audiologiste m’ont aidé à trouver des solutions sans mettre ma santé plus en danger encore, en me conseillant sur ce qu’il faut éviter et pourquoi. Pendant un certain temps, par exemple, je me soulageais en “choquant” mon audition au matin dès le lever (le plus vite possible après le réveil), avec de la musique horriblement forte, directement dans mes oreilles. Ne m’imitez pas ! C’était une solution à court terme qui me permettait de faire quelque chose de ma vie et d’accepter de me battre encore. Mais je suis conscient que ça a certainement été très dommageable.
Mon audition est presque normale, mais des tests récents indiquent que que les cils de mon oreille interne sont très abîmés. Certaines fréquences ne répondent plus du tout.
Parmi mes “expériences” effectuées en collaboration avec mon médecin et ma pharmacienne, j’ai pu trouver de l’apaisement avec des benzodiazépines (Xanax et Clonazépam), mais le soulagement est bref et suivi d’un effet rebond assez cruel, outre que ce sont des médicaments très addictifs. Enfin, l’usage des benzodiazépines à long terme augmente par 1,6 fois les chances d’être atteint d’Alzheimer. Je ne les suggère à personne, ça n’en vaut pas le coup.
Par contre, le Cyclobenzaprine (Flexeril, 20 mg par jour dans mon cas) a eu un effet formidable. J’ai connu plusieurs semaines sans le moindre signe d’acouphène (quel bonheur !) et le Flexeril est très faiblement addictif. Je peux donc le cesser graduellement, puis le reprendre pour une autre période de rémission. C’est un vieux médicament, connu et bénin, habituellement prescrit comme relaxant musculaire.
Mais ce n’est pas encore ça qui a changé ma vie.
Ce qui a vraiment changé ma vie, c’est d’avoir compris ce qu’on doit entendre par “habituation”.
Parce que ce que j’en ai lu sur Internet semble signifier que l’habituation, c’est la soumission, la défaite, le renoncement, la résilience, l’acceptation de son sort. Quand on en est à se demander si on va accepter de vivre une semaine de plus, ce genre de langage n’a rien d’encourageant. L’habituation, ce n’est pas ça.
J’ai compris seul, et ça a été confirmé tardivement par mon audiologiste (qui me suit depuis peu de temps), que le sommeil est au centre de ma difficulté à supporter l’acouphène: mon cerveau ne reste pas inactif; il agit pendant que je dors, et dans la mesure où je l’occupe, pendant mon sommeil, à gérer des sons qui voisinent l’acouphène (des sons très aigus dans mon cas, donc), il risque de se passer des choses encourageantes.
J’ai trouvé (après bien des recherches) un CD de sons pour soulager les acouphènes dont une piste en particulier fait un bruit qui évoque à la fois le bacon qui frit ou la pluie sur du béton: une sorte de crépitement qui empêche carrément mon cerveau d’émettre mon acouphène. Un bruit guère agréable en soi, mais… quel soulagement pour moi que de l’écouter ! J’ai transféré la piste sur mon smartphone, et je la fais jouer en boucle pendant la nuit, avec en parallèle des bruits d’eau et de tonnerre depuis une application. Compte tenu de mes besoins en sons très aigus, j’ai acheté des écouteurs intra-auriculaires de qualité correcte, et très petits pour le confort.
Sensible au fait que l’utilisation de tels écouteurs peut constituer un risque, j’ai demandé conseil à mon audiologiste. Voici le truc qu’elle m’a enseigné: “Faites jouer votre son dans les écouteurs, et placez ceux-ci dans votre main fermée à un mètre de votre tête. Si vous n’entendez pas le son, alors le volume est sécuritaire.”
Les premières nuits où j’ai dormi avec ces sons dans les oreilles ont été plutôt pénibles. Il a fallu que je m’habitue à dormir avec ce brouhaha (et ces écouteurs dans les oreilles, même tout petits) et puis, un beau matin…
Miracle. Miracle. J’ai eu envie de faire la grâce matinée, pour la première fois depuis des années. Je savourais le chant des oiseaux, la respiration tranquille de mon épouse, le bruit du vent dans les arbres. Et pourtant, je n’entendais toujours pas le silence. Mes acouphènes étaient là. Mais il me fallait faire un effort de volonté pour les entendre.
Comme si mon cerveau, pendant mon sommeil, avait programmé les sons aigus issus du crépitement (mais incluant mes acouphènes), comme non-pertinents, insignifiants, négligeables, neutres. L’habituation, c’est ça. L’habituation, c’est ce qui fait qu’on finit par ne plus entendre le tic-tac d’une horloge. C’est ce qui fait qu’en voiture, on n’est pas ennuyé par les bruits ambiants, des pneus et du vent. C’est ce qui fait que les membres d’une famille dont la maison est au bord d’une voie ferrée finissent par ne plus entendre les trains qui passent.
Je jure que je ne souffre plus de mes acouphènes. A quoi pourrais-je encore comparer cette habituation ? Imaginons que vous conduisiez sur une route la nuit, et qu’une lumière aveuglante vous harcèle. Chaque kilomètre de route devient pour vous une torture, vous en avez assez de ce feu qui vous empêche de vous concentrer sur la route. L’habituation n’éteint pas le feu: il le déplace derrière vous. Il est toujours là, mais il vous est facile de l’oublier, de conduire le coeur léger en pensant à autre chose.
Essayez cette méthode: dormez avec des sons qui se superposent (en fréquence) à votre acouphène. Assurez-vous seulement que le volume sonore n’est pas trop élevé.
Étant donné qu’il y a tellement de sortes d’acouphènes, je ne garantis pas le résultat, mais en tout cas, votre cerveau doit aussi faire sa part pour vous aider. Si comme moi, vous êtes hyperacousique, il se peut que les premières nuits soient difficiles. C’est comme si l’acouphène “luttait” contre le son thérapeutique, comme s’il voulait l’enrober, le vaincre. Mais dans mon cas, après trois nuits, l’hyperacousie lâchait prise.
Aujourd’hui, je ne vais nulle part sans bouchons pour les oreilles. Je ménage ce qui me reste d’audition. Je ne sais pas à quoi ressembleront les années à venir, mais je profite de l’instant présent. J’évite les milieux où l’ambiance est agressante, mais ça ne m’empoisonne plus la vie. J’ai repris les longues écoutes de musique classique dont je m’étais déshabitué.
La semaine dernière, en faisant du vélo en campagne, je me suis arrêté pour savourer la scène: les champs de maïs au soleil, le sous-bois, et les grillons, innombrables, qui se faisaient entendre tout autour de moi. C’était magnifique. Puis j’ai eu cette réflexion: “Mais ces grillons émettent un bruit qui ressemble à mes acouphènes !” J’ai souri en admettant en mon for intérieur que je serais bien content d’être propriétaire de l’endroit, même avec ses grillons !
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