Seul au monde

seul au monde

Le week-end fut un enfer. Simon prit le lit en entrant chez lui, n’en ressortit que pour se rendre à la salle de bains ou se préparer de vagues repas qu’il ne mangeait qu’à moitié. Il ne répondait pas au téléphone, ne prenait pas les messages que ses amis laisseraient dans sa boîte vocale, il débrancha même l’appareil téléphonique de sa chambre pour éviter de répondre.

Il avait décidé de vivre son acouphène, si acouphène il y avait, de s’y concentrer, d’y consacrer la fin de semaine complète, et il ne fit rien d’autre, pendant deux jours complets, qu’écouter le sifflement de bouilloire en ne pensant à rien, surtout pas à son film. Il avait eu l’intention de revoir certains rushes, de parler avec son assistant de la semaine de tournage qui venait, la dernière, celle où, épuisées, les troupes avaient le plus besoin d’être encouragées; il devait rencontrer le compositeur, un petit nouveau avec qui il n’avait jamais travaillé et qu’on disait génial mais difficile, et affronter le producteur qui, tel un cliché ambulant, trouvait que tout coûtait cher. Il aurait pu se servir de tout cela pour essayer d’oublier son acouphène pendant quelques heures sinon quelques jours, mais il choisit plutôt – le docteur ne l’avait-il pas prévenu que son cerveau finirait par choisir de ne pas l’entendre et qu’il ne l’entendrait que lorsqu’il y penserait ? – de se concentrer sur lui, de l’écouter jusqu’à plus soif, de l’épuiser et de s’épuiser lui-même à force de l’écouter. Il pensait naïvement qu’il arriverait à l’anéantir en l’affrontant, qu’il le dompterait en luttant seul comme il l’avait fait toute sa vie avec les problèmes qui se présentaient à lui. Ce n’était en fin de compte qu’un problème de plus et, avec un peu de volonté, il arriverait bien à le régler !

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