Chirurgie auditive

détonations

La nuit tombait sur le veld, recouvrait les herbes d’un voile sombre, estompait les reliefs. Un sentiment de solitude infinie étreignit Frédric. Il saisit machinalement un sachet de concentré énergétique, un mélange d’extraits d’algues et de vitamines synthétiques, déchira l’enveloppe avec ses ongles, mâcha lentement une boulette grise à la consistance molle et au goût insipide.
“Frédric…”
La voix de Wang, assez fluette pourtant, prit une résonnance insolite dans le silence de la cabine. Frédric recracha immédiatement sa boulette dans la poubelle fixée sur le montant du tableau de bord et, le coeur battant, se pencha sur le micro.
“Wang ? Où es-tu ?”
S’ensuivirent trois ou quatre secondes de grésillement, qui eurent sur les nerfs de Frédric le même effet qu’une lame de scalpel.
“Excusez-moi, j’ai entendu du bruit… Je suis dans le bivouac de l’armée anglaise…”
– Ils ne t’ont pas reconnu ?
– Ils ne m’auraient pas laissé vous appeler…
– Ta blessure ?
– Elle risque de s’infecter si je ne la fais pas rapidement soigner.
– Ils ne t’ont pas posé de questions sur ton bandeau ?
– Ils ont voulu me traîner à l’infirmerie mais…”
Nouvelle interruption d’une vingtaine de secondes, pendant laquelle la respiration de Frédric se suspendit.
“… j’ai réussi à me défiler…
[…]
– Merde, on dirait que j’ai été…”
Une série de détonations couvrirent la voix de Wang, puis la communication s’interrompit, plongeant Frédric dans les affres de l’inquiétude.

Pierre Bordage, Wang, 2 – Les aigles d’Orient

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