Le magicien cause

Je retrouve tout le monde dans le bureau du professeur.
Maman a dû pleurer. Son mouchoir est trempé, ses joues pas encore sèches.

– Je ne vais pas tourner autour du pot, ma chère amie, votre oreille opérée est cliniquement morte, pour ce qui est de la droite, vous devrez vous contenter de quinze pour cent et encore pas sur toutes les tonalités, uniquement les aigus. Vous avez une forme excessivement rare de dégénérescence des conduits auditifs. Un cas sur dix millions. Au niveau du traitement, seuls les corticoïdes permettent de stabiliser la situation. Vous êtes sur un fil, Dominique, vous devez être très vigilante, dans quelques mois, quand vous aurez repris une vie un peu plus normale, il faudra impérativement éviter les boîtes de nuit, les concerts, les feux d’artifice, la plongée, les longs trajets en avion, tout ce qui pourrait agresser cette infime connexion avec notre monde. Mais croyez-moi, je reste optimiste et vous aussi devez garder espoir. Pour ça, je lance un appel à toute la famille. L’évolution du diagnostic et la tolérance au quotidien de cette quasi-surdité dépend de vous. Dominique a plus que jamais besoin de se sentir soutenue et comprise.

(Le professeur se lève, nous considère un par un et s’arrête sur Papi.) Monsieur, vous êtes porteur de la maladie, votre otospongiose est très atténuée, une baisse d’audition imperceptible, donc rien de pénalisant et pas d’indication opératoire. Je suis navré…

Maintenant, j’ai de bonnes nouvelles pour Géraldine. C’est ce qui est important aujourd’hui, l’avenir des oreilles de votre fille et petite-fille. Ca fonctionne parfaitement, ses courbes sont impeccables. Pour mettre toutes les chances de notre côté, je la reverrai jusqu’à sa majorité et à chaque étape clé de sa vie, grossesse, ménopause… On n’en est pas encore là ! Bien, je vous souhaite un bon retour et surtout soyez prudents.

Le professeur Causse nous reconduit. Tout ses diplômes n’auront servi à rien.

Géraldine Maillet, Acouphènes