Le plastique c’est fantastique

autruche
Mardi 20 mai 2003
Dans quelques jours je prends la clef des chants : Primavera, trois jours de festival d’un rock du meilleur goût à Barcelone. Trois jours prévus de longue date, à une époque où tout allait pour le mieux dans le meilleur de mes mondes.Malgré mon état de décomposition avancée il n’a jamais été question d’annuler ce qui s’annonçait comme les tribulations d’un Provençal en Catalogne. Quelques doigts s’agrippaient encore au bord de la falaise et je comptais sur eux pour éviter la chute. En espérant que, d’une façon ou d’une autre, je parvienne un jour à me hisser à nouveau quelques mètres plus haut.

Mais pour l’heure je suis confronté à un problème logistique. Le Grand Charles avait beau dire, l’intendance ne suit pas toujours et c’est ainsi que je me retrouve dépourvu de protections auditives à quelques heures de la tempête. Mais quel est donc ce marabout qui a décidé de me nuire ? Et que me veut-il ? Il se trouve qu’ayant pris soin de passer commande d’une magnifique paire d’embouts plastiques spécialement conçus pour la jouissance musicale (aussi connus sous le nom de Pianissimos), je viens d’être informé, après plusieurs jours d’attente, d’une rupture de stock chez le fournisseur. Le monde entier aurait-il décidé de commander ces putains de bouchons d’oreille au même moment que moi ?

Assister à la boucherie des si belles cigales et cymbales avec de simples bouts de mousse jaunâtre dans les feuilles n’est en aucune façon envisageable. Qu’importe ! Mathieu, qui est bien entendu du voyage, m’assure qu’en cas d’échec dans notre quête de simili-latex nous irons nous imbiber à la plage plutôt que dans des bars enfumés. Et tant pis pour les rock’n roll attitudes…

Ce rapide séjour dans la capitale catalane allait être également l’occasion de revoir Céline, celle qui avait été pendant de longs mois ma précieuse voisine de bureau. Céline qui avait traversé remous et torrents pour prendre conscience au bout du voyage qu’elle avait épousé un idéal et non un individu. Céline qui avait eu le courage de plaquer mari et facilité de la vie parisienne pour s’offrir une vie de bric et de broc sur la péninsule ibérique.
Céline que je n’avais pas revue depuis plusieurs semaines. Céline et ses naïfs emportements d’idéaliste politique, toujours prête à hurler sa révolte à la face du monde – qui lui n’en a, soyons honnête, à peu près rien à foutre. Céline enfin qui m’avait déclaré à plusieurs reprises, sans que la moindre question lui soit posée, qu’elle était mon amie.

Mais Céline également qui avait planté quelques jours plus tôt entre mes yeux brûlants de fièvre un mail aiguisé : je l’avais “profondément déçue”, assénait-elle. Qu’avais-je bien pu faire de si terrible ? N’avais-je pas fait tout mon possible pour lui rendre moins douloureuse sa rupture et son départ vers ces contrées belles et ensoleillées ?

En réponse je lui confirme notre arrivée, lui demande si elle sera bien disponible pour qu’on se voit et enfin lui prie de bien vouloir accepter mes excuses (mais pour quelles raisons ?!) tout en soulignant l’horreur qui me dissout de pieds en cape. Ne lui épargnant aucun détail. Jusqu’à la volonté d’en finir qui m’a rempli des jours durant (et qui appartiendrait déjà au passé… petit mensonge, pour la bonne cause).

Réponse lapidaire : “tu as vu ce que tu me dis ?!”, refusant de m’expliquer les raisons de son courroux initial, étant donné la gravité de mes propos.

Oui, je vois parfaitement ce que je lui dis. Mais on ne vit pas dans un film et si parfois (souvent ?) la réalité est difficile à admettre, ce n’est probablement pas en enfouissant sa tête dans le sable, fut-il barcelonais, qu’on la fera fuir.

J’en sais quelque chose : j’ai essayé.

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