Emetteur amateur

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Mercredi 28 mai 2003

Ma supérieure constate que mon état ne s’améliore pas et prend peu à peu la mesure du drame qui est en train de se jouer.
Devant ma crainte de voir une autre personne touchée pour n’avoir pas été prévenue, elle m’invite à écrire un mail à toute l’entreprise pour expliquer en quelques mots de quoi il retourne. Si j’étais probablement le plus exposé de tous de par mon style de vie et les nombreux concerts auxquels j’assistais chaque mois, il était clair que des habitués des dancefloors et autres salles enfumées se tenaient à quelques mètres de moi.Je ne pouvais pas attendre les bras croisés.
C’est ainsi que je me suis retrouvé un mercredi soir, dans des bureaux presque déserts, à cliquer sur le bouton « envoyer » le plus lourd de sens de ma courte existence. Ce simple geste allait me faire passer du statut d’employé modèle à celui de salarié à problème voire, mot terrible, de handicapé. Au moins n’aurai-je plus à jouer la comédie de la bonne santé ! Je n’en ai plus la force.Sitôt mon larcin commis, c’est en courant que je gagne le métro le plus proche, me laisse avaler par la bouche immonde et violenter par cris et châtiments. Malmené pendant près d’une heure, je regagne enfin mon appartement écrasé de silence et, selon une coutume qu’un spectateur hypothétique pourrait croire ancestrale, j’insère un CD dans la platine, à la recherche d’une zone de confort.

Qui n’existe pas : le silence me fait souffrir, le son me fait souffrir, le son même très bas me fait horriblement souffrir. Mais je préfère encore l’agression de sons extérieurs à cette infâme bouillie stridente que produit désormais mon corps ! Peut-être est-ce dû à un certain sentiment de contrôle que j’aurais gardé sur la situation – après tout, on peut toujours se protéger d’un son extérieur, mais on ne peut rien quand celui-ci est en soi, provient de son être.

Toujours est-il qu’au moment de dormir je crois devenir fou ! Les murs résonnent de mes douleurs, ces 60dB internes me pourchassent inlassablement, il est totalement impossible de dormir.

Je tremble distinctement des pieds à la tête… Cela fait bien deux semaines que je ne dors pratiquement plus…

Mes nerfs sont en train de lâcher…

Je m’enfuis ! Je sors, claque la porte rageusement sur mes acouphènes et cours rejoindre une artère passante… mais la rue de Tolbiac, si bruyante et agressive en plein jour, est d’un silence mortel la nuit venue. Il est deux heures du matin et je cours, cours sur cette avenue sans autre but que de ne jamais m’arrêter. Car je sais qu’à la moindre halte ces sifflements qui me transpercent le crâne ne manqueront pas de m’achever.

Depuis quelques jours, donc, je ne dors plus. Mais je mange toujours. Par conséquent, aucun risque de mourir pour l’instant – à moins de le décider. Pourtant se nourrir est également devenu un supplice. Le simple fait d’ouvrir la bouche décuple mes acouphènes, à tel point que j’apprends peu à peu à manger en gardant les dents serrées…

Croyez le ou non, Mesdames et Messieurs : c’est possible ! Mais ne soulage pas pour autant.

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