Je vais bien, tout va bien

je vais bien tout va bien

30 mai 2003

Le lendemain, un brin rageur, je téléphone à l’ORL pour lui faire part de ma… mésaventure. Sa réponse est toujours la même, laconique. Selon lui je n’ai rien, je vais bien, tout va bien, tout est normal.

Il me conseille néanmoins d’éviter les endroits bruyants et m’informe que le son dans un cinéma est trop fort… pour tout le monde !

J’ai l’impression de vivre dans un monde qui m’est totalement inconnu. Ainsi donc le son dans un cinéma est trop fort pour tout le monde ? Et personne ne le sait ?

Je croyais faire naufrage dans un Danny Boyle, je suis en réalité piégé dans du Dany Boon !

De toute façon pour moi tout est trop fort désormais. Mais je ne peux pas rester enfermé en permanence dans un cocon, avec comme compagnon mes sifflements. Je ne peux pas parce que je ne le veux tout simplement pas. Ce n’est pas une vie, enfin ! Bien sûr je pourrais m’acheter un casque anti-bruit, tels ceux que l’on voit sur les chantiers, et continuer une vie « normale » !

Pourquoi pas ! Puisque tout est normal, selon l’ORL !
Pour la première fois je ressens une sourde colère face à ce médecin qui balaie ma souffrance d’un méprisant revers de main et qui s’attache à ses bouts de papier jauni et ses certitudes d’écolier pour en conclure que « tout est normal ».
A cet instant, je ne sais pas encore que nous sommes plusieurs centaines de milliers, vraisemblablement plusieurs millions rien qu’en France, à vivre ou à avoir vécu ces douloureux chapitres dont je ne parviens plus à tourner les pages. Durant mes rares moments de lucidité, lorsque le bruit et la douleur me laissent quelques secondes, quelques minutes parfois, connecter les quelques neurones qui acceptent encore par instants une autre fonction que celle de signal d’alarme, je les triture autour d’une question : comment est-il possible qu’un tel type d’accident si grave et si répandu soit totalement ignoré du grand public ?
Pourquoi nous abreuve-t-on à longueur d’années de spots nous indiquant que rouler avec trois grammes d’alcool dans le sang est dangereux ?
Pourquoi met-on tant d’obstination à faire pénétrer par les tempes de nos cerveaux disponibles que baiser sans capote, surtout avec une pute et par derrière, ça peut donner tout plein de maladies ?
Pourquoi consumer tant de billets du Trésor Public à rabâcher que fumer c’est s’encrasser le moteur – et peut-être aussi celui de notre entourage ? Pourquoi n’est-il plus possible de poser ses pieds sur un trottoir sans être assailli de « attention piétons », « attention vélos », « attention couloirs de bus à contresens », « attention la porte du métro va coincer tes petits doigts » ? Pourquoi ne peut-on se porter acquéreur d’une bouteille d’eau de Javel sans que le Monsieur jaune à peu près Propre, le sourire en coin, ne nous informe que boire le contenu n’est pas recommandé pour la santé (sans déconner ?!).
Pourquoi lorsque l’on tient une boîte de conserve dans ses petits doigts boudinés l’on peut y lire qu’il faut l’ouvrir avant d’en ingurgiter le contenu ?
Pourquoi lorsque le soleil brille – l’imprudence brûle, n’est-ce pas – et que l’on décide de coiffer son véhicule d’un pare-soleil avant d’aller tremper son cul dans l’eau fraîche entre touristes et méduses, ce bout de carton se permet de nous demander poliment de bien vouloir l’ôter avant de reprendre la route ?
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Pourquoi vais-je mourir alors que je suis allé assister à un concert ?

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