Témoignage de guérison de l’anxiété généralisée : Anthony Delon
Je vous avais parlé il y a… une éternité du livre d’Anthony Delon, le premier maillon. Dans lequel nous apprenons qu’Anthony Delon a des acouphènes. Ou plutôt “avait”, puisque ses acouphènes ont apparemment duré deux ans : la lecture laisse supposer qu’il n’en a plus du tout, ou qu’ils sont devenus tellement faibles qu’il ne les entend pratiquement plus jamais.
J’avais acheté le livre à l’époque, mais lire avec des acouphènes aigus n’étant pas chose aisée, j’avais rangé l’ouvrage dans un coin de ma bibliothèque, me promettant d’y revenir très bientôt. Des années ont passé et je viens enfin de le lire, quasiment d’une traite (le livre est court et facile à lire).
Je me permets ici d’en reprendre un long extrait qui, j’en suis certain, pourra donner matière à réflexion sur la façon dont des acouphènes peuvent se former ou en tout cas se développer et s’amplifier. Et pourquoi pas aussi d’autres pathologies, comme l’hyperacousie…
Extraits :
Au cours du mois d’août, j’ai eu deux ou trois alertes auxquelles je n’ai pas prêté attention. La première : pendant une quinzaine de jours je me réveillais toutes les nuits avec la sensation étrange que de l’électricité me parcourait les veines, comme si tout mon corps tremblait. La seconde : j’étais à vélo en haut d’une côte quand, juste après l’effort, mon cardio est resté bloqué à 176 pulsations-minutes sans raison pendant une quarantaine de secondes, avec des difficultés à respirer. La troisième, enfin : je regardais un combat de boxe à la télé lorsque la violence m’est soudain devenue insupportable, me provoquant une crise d’angoisse et des palpitations. J’avais trouvé ça bizarre mais je n’ai pas relevé.
[…]
Je rentre chez moi en taxi quand tout à coup une émotion me submerge. Incapable de me retenir, je me mets à pleurer. Dans un souffle, sans doute ridicule, je dis au chauffeur :
– Arrêtez-vous !
Je descends de voiture… J’ai besoin d’air.
J’essaie de marcher. J’ai du mal. Je me “traîne” jusqu’à un arbre… Et là, mes jambes me lâchent. Je me retrouve à genoux. Paniqué je m’accroche au tronc, la peur au bide, une peur qui me déchire, comme si j’allais mourir.
Je n’arrive pas à m’arrêter de pleurer.
[…]
Je me dis que c’est juste une “soupape” qui vient de lâcher, que ça va passer.
Trois jours plus tard, la veille de mon départ pour Los Angeles, nouvelle crise, sans raison apparente. Je suis à la maison, tétanisé. J’ai peur de prendre l’avion. Je me sens incapable d’aller à l’aéroport, de faire le voyage… “Tu ne vas pas pouvoir rentrer chez toi. Tu ne vas pas pouvoir retrouver ta femme et tes enfants…”
C’était horrible. Je me sentais paralysé, à bout de forces, comme si je perdais le contrôle. Moi qui ai toujours repoussé les limites, qui me croyais en acier inoxydable, je perdais pied.
“Il faut que tu rentres !”
Le jour J, je m’enfile deux Lexomil… Un avant de partir pour l’aéroport, et un dans l’avion, pour encaisser le vol.
Retour à Los Angeles… Ca s’est calmé quelques jours, puis un matin où j’avais accompagné les filles à l’école, au retour j’ai eu l’impression que j’étais en train d’exploser. Je ne pouvais plus respirer. J’étais en panique, je ne contrôlais plus mon corps et difficilement mon mental, comme si le monde extérieur me sautait à la gueule… Et puis encore les larmes !
[…]
J’ai donc recommencé une thérapie par téléphone.
Six mois, tous les jours. Pendant les deux premiers mois mon état a empiré. J’avais du mal à sortir de chez moi, j’avais peur. Dès que je m’éloignais, je partais en vrille, je croyais que j’allais mourir. Je ne pouvais plus monter dans un ascenseur. Je faisais de l’anxiété généralisée avec en prime de la claustrophobie. Le volcan était entré en éruption… A force de retenir, il fallait bien que ça sorte.
Comme un con, j’ai pratiqué l’automédication. Un Lexomil par jour, un demi le matin, un demi le soir. En novembre, je suis allé consulter un psychiatre américain qui m’a mis sous anti-dépresseurs… C’était pire ! Ils n’ont pas du tout fonctionné. Le psy a fini par me trouver un traitement de fond en me prescrivant un anxiolytique et en me mettant en garde :
– Le Lexomil, comme le Valium ou le Temesta, fait partie de la famille des benzodiazépines ; il faut l’arrêter maintenant, progressivement, sinon vous risquez de subir des effets rebonds.
J’étais déjà dedans. Au bout de trente jours, d’après la médecine, on devient dépendant aux benzodiazépines. J’avais dépassé le mois fatidique.
Je ne l’ai pas écouté. Quatre mois plus tard, après un léger mieux, j’ai décidé d’arrêter le Lexo.
Les crises de tétanie ont repris de plus belle. Le phénomène s’est même amplifié ; trois crises par nuit, arc-bouté dans mon lit par la souffrance, le corps en feu. J’ai perdu le sommeil pendant des mois. Les trois premières semaines, je dormais par intermittence, une ou deux heures par nuit… J’ai essayé de prendre des somnifères, rien n’y faisait ! J’étais scotché. J’ai passé des nuits entières à lutter contre des pensées obsessionnelles qui me harcelaient. Passé des nuits entières avec le livre de Mathieu Ricard Plaidoyer pour le bonheur, à lire et à relire les même paragraphes pour essayer d’apaiser mes souffrances.
Une nuit j’ai lâché prise. Je me suis dit que ça passerait bien un jour, que tout avait une fin. Il faut accepter ce contre quoi on ne peut pas lutter. Accepter aussi l’idée que tout peut s’arrêter dans la seconde.
[…]
Là, je montais dans ma chambre, et l’oreiller plaqué sur le visage je me mettais à hurler. Des cris qui venaient du plus profond de moi, et qui devaient sortir. Comme un appel d’air, après qu’un lambeau de chair se déchire.
[…]
Je me souviens d’un dîner où tout à coup j’ai été glacé des pieds à la tête, envahi par une peur indescriptible. Une peur d’enfant, tellement forte que j’ai eu envie de vomir. Une angoisse irréelle. Je ne pouvais pas me lever. Pas la force. J’ai continué à manger, j’ai attendu que ça passe.
J’ai essayé de décrire cette peur. Pour moi, ce qui s’en rapprochait le plus, l’image qui s’est dégagée, c’est un enfant perdu dans la forêt, qui soudain tombe sur le pire de ses cauchemars, la chose la plus terrifiante, ce qui hante la pire de ses nuits. Sauf que là, c’est la réalité. Ce qu’il vit est vrai.
[…]
J’ai explosé parce que j’ai érigé des murs de protection qui m’ont rendu insensible à la souffrance et à toute émotion trop forte.
J’ai explosé parce que j’ai retenu derrière ces murs des angoisses et des peurs d’enfants qui me pétrissaient au plus profond de moi.
J’ai explosé, enfin, parce que je ne savais pas pleurer et que la mort de Loulou m’a libéré. L’anxiété généralisée vous prend le cerveau, et vous met à genoux face à des pensées qui vous obsèdent. Ca vous broie les chairs et l’esprit. L’analyse, la connaissance et mon travail personnel, notamment sur le bouddhisme, m’ont beaucoup aidé pendant ces longs mois de tempête. J’ai beaucoup travaillé sur l’acceptation et le détachement.
[…]
J’ai appris à pleurer sans me juger, à accepter mes faiblesses, à admettre que j’étais un homme comme les autres, vulnérable.
J’ai fait le deuil de Loulou, et j’ai évacué des traumatismes qui me faisaient mal depuis trop longtemps.
Anthony Delon, le premier maillon
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